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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Maintenant, veut-on savoir sur le débutant l’opinion de la critique ? Voici ce qu’en disait le Journal de Paris :

« Le jeune homme qui a débuté dans Séide annonce les plus heureuses qualités ; il a, d’ailleurs, tous les avantages naturels qu’il est possible de désirer pour l’emploi des jeunes premiers : taille, figure, organe, et c’est avec justice que le public l’a applaudi. »

Passons du Journal de Paris à Bachaumont :

« Le débutant joint aux dons naturels une figure agréable, une voix sonore et sensible, une prononciation pure et distincte ; il sent et fait sentir l’harmonie des vers. 

» Son maintien est simple, ses mouvements sont naturels ; surtout il est toujours de bon goût et n’a aucune manière ; il n’imite aucun acteur, et joue d’après son sentiment et ses moyens. »

Deux mois après, le Mercure disait, à propos de la reprise de l’Hamlet de Ducis :

« Nous parlerons bientôt d’un jeune acteur qui fixe l’attention des amateurs de spectacle, M. Talma ; mais nous attendrons qu’il ait joué des rôles plus importants. Il est goûté dans la tragédie. »

Il y a loin, on en conviendra, de ces sobres éloges aux fanfares qui ont accueilli, l’apparition de mademoiselle Rachel.

Et c’est tout simple : mademoiselle Rachel était une espèce d’étoile fixe que l’on découvrait en plein ciel, où elle devait demeurer brillante, mais immobile.

Talma, au contraire, était un astre destiné à éclairer toute une période, à décrire cette courbe gigantesque qui sépare un horizon d’un autre horizon, à avoir son lever, son zénith, son coucher, — coucher pareil, à ceux des soleils d’août, plus flamboyants, plus magnifiques, plus splendides à leur couchant, qu’ils ne l’ont été à leur midi.