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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

XCIII

Talma dans l’École des Vieillards. — Une lettre de lui. — Origine de son nom et de sa famille. — Tamerlan à la pension Verdier. — Début de Talma. — Conseils de Dugazon. — Autres conseils de Shakspeare. — Opinion des critiques de l’époque sur le débutant. — Passion de Talma pour son art.

L’École des Vieillards eut un immense succès. Un duel fatal, qui venait d’avoir lieu dans des conditions à peu près pareilles à celles où se trouvaient Danville et le duc, donna à la pièce une de ces couleurs d’à-propos que saisit avec tant d’empressement le public parisien.

C’est qu’il faut le dire aussi, jamais peut-être Talma n’avait été plus beau ; il est impossible de rendre avec une voix plus émouvante les différentes nuances de ce rôle de vieillard amoureux et trahi comme Danville.

Oh ! l’admirable instrument que la voix chez un acteur qui sait s’en servir ! Comme la voix de Talma était caressante au premier acte ! comme elle était impatiente au second, inquiète au troisième, menaçante au quatrième, abattue au cinquième !

Le rôle est doux, noble, charmant, bien complet d’un bout à l’autre. Comme ce cœur de vieillard aime bien à la fois Hortense en père et en amant ! Comme, tout en plaignant la femme qui se laisse prendre, folle alouette, au miroir de la jeunesse et au ramage de la coquetterie, il dédaigne cet homme qui plaît, on ne sait pourquoi, hélas ! parce que, dans le cœur de toute jeune fille, il y a un côté vulnérable et ouvert aux vulgaires amours !

Le rôle de la femme est bien loin de valoir celui de l’homme. Hortense est-elle coquette, ou ne l’est-elle pas ? Aime-t-elle le duc, ou ne l’aime-t-elle pas ? C’est une faute grave que la situation ne soit pas mieux dessinée, et voici en quoi c’est une faute :

Au quatrième acte, Hortense, qui cause, à une heure du