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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Il fait venir l’archevêque.

« — Le prince royal a cherché un refuge dans votre église ? lui dit-il.

» — Oui, monseigneur.

» — Il faut me le livrer.

» — Impossible, monseigneur.

» — Pourquoi cela ?

» — Parce que l’église est lieu d’asile.

» — Pour les coupables, niais ! répond Richard, mais non pour les innocents… »

Ah ! que Mézence, ce contempteur des hommes et des dieux, est petit, à mon avis, près de Richard III, qui tue ses ennemis avec leur innocence, comme un autre les tuerait avec leurs crimes !

On comprend que, dénué à ce point du double sentiment pittoresque et grandiose, Casimir Delavigne réussit beaucoup mieux dans la comédie que dans la tragédie ; aussi, ses deux meilleures pièces, suivant nous, sont-elles deux comédies, les Comédiens et l’École des Vieillards.

Tout ce que nous venons de dire est dit, on le comprend bien, au point de vue d’une critique sévère, et n’empêche pas que Casimir Delavigne n’ait reçu du ciel des qualités réelles. Ces qualités sont : une grande facilité de versification qui rarement monte jusqu’à la poésie, il est vrai, mais qui jamais ne tombe jusqu’au vers flasque et détendu ; et, en effet, depuis le premier hémistiche jusqu’au dernier, depuis le commencement jusqu’à la fin, son œuvre, quelle qu’elle soit, est soignée, propre et surtout pleine de probité ; et, remarquez bien ceci, nous nous servons du mot probité comme du mot le plus convenable ; car Casimir Delavigne n’est point un homme qui essaye de soustraire quelque chose au public, qui économise sur ce qu’il possède dans le moment, pour faire servir cette économie à une autre pièce. Non ; de Casimir au public, c’est, comme on dit, bon jeu, bon argent ; tout ce qu’il possède, jusqu’à son dernier sou, il le donne. À chaque première représentation, les spectateurs ont jusqu’au fond du sac. Quand, le soir, à minuit, il a fait, au milieu des bravos, honneur à sa