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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dévoré d’ambition, brûlé du désir de devenir riche ; sa mère, si l’on en croit une lettre saisie chez lui, en dit des horreurs ; son père lui reproche sa vie licencieuse, et les chagrins dont il l’abreuve, ainsi que sa mère.

Au milieu de tout cela, il a travaillé avec persévérance ; il a passé ses examens ; il a été reçu docteur.

Ce qu’il a surtout étudié dans la science, c’est l’anatomie, la botanique, la chimie.

La chimie surtout.

Ses cahiers d’étude sont là, pleins d’observations, d’extraits, de ratures. Ils attestent la constance de ses recherches, et l’étude approfondie qu’il a faite des poisons, de leurs différentes espèces, de leurs effets, des traces dénonciatrices que les uns laissent dans différentes parties du corps, tandis que d’autres, aussi mortels et plus perfides, tuent sans laisser aucun vestige perceptible aux yeux de l’anatomiste le plus savant et le plus exercé.

Ces poisons sont tous des poisons végétaux : la brucine, tirée de la fausse angusture ; la strychnine, tirée de la noix de Saint-Ignace ; et la morphine, tirée de l’opium pur, qui lui-même est extrait du pavot des Indes.

Or, étrange et terrible complication du hasard ! le 18 septembre 1822, dix-sept jours avant la mort d’Hippolyte Ballet, Castaing achète dix grains d’acétate de morphine.

Douze jours après, Hippolyte, atteint d’une affection pulmonaire grave, mais non encore arrivée à son terme, est saisi d’un accident morbide, et meurt, comme nous l’avons dit, loin de sa sœur, loin de son frère, emporté en cinq jours !

Il meurt dans les bras de Castaing.

Alors, la situation de Castaing change ; Castaing, qui était fort gêné jusque-là, prête trente mille francs à sa mère, et, sous des noms supposés, ou au porteur, place soixante et dix mille francs.

C’est qu’il est question d’une affaire relative au testament d’Hippolyte Ballet, affaire qui ne sera jamais bien éclaircie, même aux débats, et dans laquelle Auguste Ballet serait devenu le complice de Castaing.