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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

onction, au même moment le jeune docteur s’agenouilla, et resta dans cette posture, les mains jointes, et priant Dieu avec une telle ferveur, que le sacristain ne put s’empêcher de dire, quand tous deux se retirèrent :

— Voilà un jeune homme bien pieux !

Derrière le curé, le jeune docteur sortit, et resta près de deux heures dehors.

Vers trois heures, un des deux médecins demandés arriva de Paris. C’était le docteur Pelletan fils. — M. Pigache, averti de cette arrivée, vint rejoindre son confrère auprès du lit du malade.

Mais, après un rapide examen, tous deux reconnurent que le malade était sans ressource aucune.

Cependant, on tenta quelques remèdes qui ne firent aucun effet.

Pendant ce temps, le jeune docteur paraissait en proie à la douleur la plus vive : cette douleur se manifestait par des larmes et des sanglots.

Ces démonstrations de désespoir frappèrent d’autant plus M. Pigache, que, dans la conversation, le jeune docteur lui avait dit :

— Ce qui me fait le plus de peine dans tout cela, c’est que je suis légataire de mon malheureux ami.

Il en résulta que M. Pelletan, s’adressant au jeune homme, qui pleurait :

— Avez-vous réfléchi, monsieur, lui dit-il, à tout ce que votre position a de dangereux ?

— Comment cela, monsieur ?

— Sans doute ! vous êtes venu, avec votre ami, pour deux jours à Saint-Cloud ; vous êtes médecin ; vous êtes son légataire d’une façon quelconque…

— Oui, monsieur, je suis son légataire universel.

— Eh bien, l’homme qui vous a légué toute sa fortune est au moment de mourir ; les symptômes de sa maladie se sont annoncés de la façon la plus extraordinaire, et, s’il meurt, comme c’est probable, vous allez vous trouver dans une affreuse situation…