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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

montèrent près du malade, et lui rendirent quelques soins. Il souffrait beaucoup.

Au bout d’une demi-heure à peu près, le jeune docteur rentra. Il trouva le malade dans un état alarmant ; celui-ci demandait un médecin, insistant pour qu’on en prît un à Saint-Cloud, et s’opposant à ce qu’on allât, comme le voulait son ami, en chercher un à Paris.

Il se sentait si mal, disait-il, qu’il ne pouvait attendre.

On courut donc au plus près ; cependant, ce ne fut qu’à onze heures du matin que le médecin qu’on était allé chercher put arriver. Il se nommait M. Pigache.

À ce moment, le malade éprouvait un peu de calme. M. Pigache demanda à voir les évacuations ; on lui dit qu’elles avaient été jetées. Il ordonna des émollients ; mais ces émollients ne furent point appliqués. Il revint une heure après, et prescrivit une potion calmante. Ce fut le jeune médecin lui-même qui l’administra au malade ; mais l’effet en fut prompt et terrible ; cinq minutes après, le malade était en proie à d’effroyables attaques de nerfs. Au milieu de ces convulsions, il perdit sa connaissance, et, à partir de ce moment, ne la recouvra plus.

Vers onze heures, du soir, le jeune médecin, tout éploré, dit à un domestique que son ami ne passerait pas la nuit. Le domestique courut chez M. Pigache, qui se décida, malgré le peu qu’il en attendait, à faire au moribond une dernière visite.

Il trouva le malheureux jeune homme couché sur le dos, le cou fortement tendu, la tête découverte, et pouvant à peine respirer ; il n’entendait plus, ne sentait plus ; le pouls était petit, la peau brûlante ; il avait les membres fortement contractés, la bouche fermée ; tout le corps ruisselait d’une sueur froide, et était macéré de taches bleuâtres. M. Pigache jugea qu’il fallait sans retard tirer au malade le plus de sang possible, et il pratiqua une double saignée : saignée par les sangsues, saignée par la lancette.

Il en résulta un peu de mieux.

M. Pigache fit remarquer ce mieux à son jeûne confrère,