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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

quatre heures sans qu’on ait pu indiquer une cause à sa mort.

Dieu pardonne l’accusation portée, car cette accusation était peut-être une calomnie ; mais, après les faits que nous allons consigner ici, la cause de cette mort, on crut l’avoir découverte.

Le 29 mai, deux jeunes gens arrivèrent par ce qu’on appelait, à cette époque, « les petites voitures, » et descendirent à l’auberge de la Tête-Noire à Saint-Cloud.

Ils étaient partis sans dire où ils allaient.

Vers neuf heures du soir, ils s’installaient dans une chambre à deux lits.

L’un des deux paya cinq francs d’arrhes.

Toute la journée du vendredi 30, les deux amis se promenèrent ensemble ; ils ne reparurent à l’hôtel que pour dîner, et sortirent aussitôt après leur repas pour faire une nouvelle promenade.

Il était neuf heures du soir lorsqu’ils rentrèrent.

En montant l’escalier, l’un d’eux demanda une demi-bouteille de vin chaud, ajoutant qu’il était inutile de le sucrer, attendu qu’ils avaient apporté du sucre avec eux.

Le vin fut monté à neuf heures et quelques minutes, sucré avec le sucre apporté, et acidulé avec des citrons achetés à Saint-Cloud même.

C’était le même jeune homme qui avait donné les cinq francs d’arrhes pour la chambre, qui avait commandé le dîner, et défendu de monter du sucre, qui sucra le vin chaud, et pressa les citrons dans le bol.

L’un d’eux paraissait être médecin ; car, ayant entendu dire qu’un domestique de la maison était malade, il alla, sans goûter au vin préparé, voir ce domestique, et lui tâta le pouls.

Cependant, il ne prescrivit rien, et, après un quart d’heure d’absence à peu près, rentra dans la chambre de son ami.

Celui-ci avait trouvé le vin très-mauvais, et n’en avait bu que la valeur d’une cuillerée.

Il avait été arrêté par la saveur amère du breuvage.