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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

qui portait un crucifix, et sur laquelle les passants déposaient leur aumône. Cette aumône était destinée à payer les frais de la messe et des funérailles.

Le 7, à neuf heures du matin, la prison était assiégée par plus de trente mille curieux ; un nombre plus considérable encore était répandu sur toute la route, et formait la haie de la place de la prison à celle du supplice.

Riégo avait demandé que des troupes espagnoles fussent seules présentes à ses derniers moments. Cette faveur, à laquelle la France dut de ne pas tremper un coin de son drapeau blanc dans le sang du malheureux Riégo, lui fut accordée.

À midi et demi, après cinquante heures de jeûne, le général fut amené à la porte extérieure de la prison.

Il était pâle et défait.

On lui avait enlevé son habit d’uniforme, et on l’avait revêtu d’une robe de chambre attachée autour des reins avec une corde ; il avait, en outre, les pieds et les mains liés.

Il fut couché sur une claie avec un oreiller sous la tête.

Des moines marchaient aux deux côtés de cette claie pour lui donner des secours spirituels.

Un âne conduit par le bourreau traînait la claie.

Le patient était précédé et suivi d’un corps de cavalerie.

Il était difficile, quelle que fût la curiosité des assistants, qu’ils vissent bien le général : sa tête retombait sur sa poitrine, et, deux ou trois fois seulement, il eut la force de la soulever pour répondre aux ecclésiastiques qui l’exhortaient.

Le cortège mit une heure, à peu près, à se rendre de la prison au lieu du supplice.

Arrivé au pied du gibet, le général fut enlevé de la claie tout souillé de poussière, et placé sur la première marche de l’échafaud.

Là, il se confessa.

Ensuite, on le tira le long de l’échelle ; car, ayant les pieds liés, il ne pouvait monter. Pendant ce temps, un prêtre demandait à Dieu de lui pardonner ses offenses, comme il pardonnait lui-même à ceux qui l’avaient offensé.

Arrivés à une certaine hauteur, ceux qui soulevaient le