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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

quatrième exposé à Madrid, au lieu accoutumé de ces sortes d’exposition, « ces villes, ajoutait le fiscal, étant les points principaux où le traître Riégo avait soufflé le feu de la révolte. »

Les alcades accordèrent la mort par le gibet, et la confiscation des biens ; mais, quant aux quatre quartiers, ils refusèrent.

Un jour, — il est vrai que c’était vers la fin du xve siècle, — les habitants d’Imola, petite ville de la Romagne, trouvèrent, en se réveillant, les quatre quartiers d’un homme, pendant, chacun à un croc, aux quatre coins de la place. On reconnut l’homme coupé en quatre quartiers pour un Florentin, et l’on écrivit à la magnifique République afin de la prévenir de l’accident inattendu qui était arrivé à l’un de ses citoyens.

La République s’informa auprès de Machiavel, son envoyé dans les Légations.

Machiavel se contenta de répondre :

— Magnifiques seigneurs, je n’ai qu’une chose à vous dire à propos du cadavre de Ramiro d’Orco, que l’on a trouvé coupé en quatre quartiers sur la place d’Imola ; c’est que l’illustre César Borgia est le prince qui sait le mieux faire et défaire les hommes, selon leurs mérites.

C’était bien contrariant pour le roi d’Espagne de ne pouvoir défaire Riégo à la manière dont Borgia avait défait Ramiro d’Orco ; mais il fallut se contenter de la claie, du gibet et de la confiscation.

C’était déjà bien joli, on en conviendra.

Le 5 novembre, à midi, on lut à Riégo sa sentence ; il l’écouta avec beaucoup de calme. Ce calme effraya les juges : c’était d’un mauvais exemple que Riégo mourût bien. On le conduisit à la chapelle, et, sous prétexte que rien ne dispose mieux à la pénitence que le jeûne, on cessa dès ce moment de lui donner à manger.

Deux moines l’accompagnèrent dans son cachot, et ne le quittèrent plus.

À la porte de la prison, dans la rue, il put voir une table