Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Matéo fera ferrer le cheval, non pas en le conduisant chez le maréchal ferrant, mais en amenant ici le maréchal ferrant.

Lopez eut l’air de se conformer avec indifférence à cet ordre ; mais, en le transmettant à son frère, il eut le temps de lui dire :

— Celui auquel appartient le cheval est le général Riégo.

— C’est bien, dit Matéo ; fais en sorte qu’il soit à déjeuner quand je reviendrai ; ne quitte pas l’endroit où il se trouvera, et ne le perds pas de vue.

Matéo revint, et fit signe à son frère que la commission était remplie.

Puis, à Riégo :

Señor, dit-il, comme, dans cinq minutes, le maréchal ferrant sera ici, il serait bon que vous déjeunassiez, si, votre cheval ferré, vous comptez vous remettre en route.

Riégo, sans défiance, se mit à table.

Mais il n’en était pas ainsi de l’Anglais.

L’Anglais, à une fenêtre, une lunette à la main, inspectait la grande route.

Tout à coup, il vit apparaître une vingtaine d’hommes armés, conduits par un alcade.

— Général, s’écriait-il, nous sommes trahis ! voici des soldats.

— Aux armes ! cria Riégo en se levant. Il eut le temps de jeter le cri, mais non d’accomplir l’action. Lopez et Matéo sautèrent sur leurs carabines, et couchèrent en joue les proscrits.

— Le premier qui fait un mouvement est mort ! cria Lopez.

— C’est bien, dit Riégo, je me rends ; prévenez seulement les soldats qui arrivent de ne point nous faire de mal, puisque nous sommes vos prisonniers.

Les soldats entrèrent, conduits par l’alcade.

— Embrassez-moi, mon frère, dit Riégo à l’alcade, et ne nous maltraitez point.

Après quelques difficultés, l’alcade embrassa Riégo.

Mais, malgré l’embrassade, il lui annonça qu’il allait lui lier les mains.