Matéo fera ferrer le cheval, non pas en le conduisant chez le maréchal ferrant, mais en amenant ici le maréchal ferrant.
Lopez eut l’air de se conformer avec indifférence à cet ordre ; mais, en le transmettant à son frère, il eut le temps de lui dire :
— Celui auquel appartient le cheval est le général Riégo.
— C’est bien, dit Matéo ; fais en sorte qu’il soit à déjeuner quand je reviendrai ; ne quitte pas l’endroit où il se trouvera, et ne le perds pas de vue.
Matéo revint, et fit signe à son frère que la commission était remplie.
Puis, à Riégo :
Señor, dit-il, comme, dans cinq minutes, le maréchal ferrant sera ici, il serait bon que vous déjeunassiez, si, votre cheval ferré, vous comptez vous remettre en route.
Riégo, sans défiance, se mit à table.
Mais il n’en était pas ainsi de l’Anglais.
L’Anglais, à une fenêtre, une lunette à la main, inspectait la grande route.
Tout à coup, il vit apparaître une vingtaine d’hommes armés, conduits par un alcade.
— Général, s’écriait-il, nous sommes trahis ! voici des soldats.
— Aux armes ! cria Riégo en se levant. Il eut le temps de jeter le cri, mais non d’accomplir l’action. Lopez et Matéo sautèrent sur leurs carabines, et couchèrent en joue les proscrits.
— Le premier qui fait un mouvement est mort ! cria Lopez.
— C’est bien, dit Riégo, je me rends ; prévenez seulement les soldats qui arrivent de ne point nous faire de mal, puisque nous sommes vos prisonniers.
Les soldats entrèrent, conduits par l’alcade.
— Embrassez-moi, mon frère, dit Riégo à l’alcade, et ne nous maltraitez point.
Après quelques difficultés, l’alcade embrassa Riégo.
Mais, malgré l’embrassade, il lui annonça qu’il allait lui lier les mains.