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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Et, là ?…

— Là, je trouverai des amis qui me conduiront à leur tour en Estramadure, où j’ai affaire.

Soit que la course leur parût trop longue, soit qu’ils se doutassent avoir affaire à des proscrits, l’ermite et son compagnon refusèrent.

Mais, alors, Riégo les arrêta, les fit monter sur deux mules, et leur déclara que, de gré ou de force, ils serviraient de guides à sa troupe.

On attendit la nuit, et l’on se mit en route.

Pendant qu’on marchait dans les ténèbres, Riégo entretenait ses compagnons des différents événements qui venaient de se passer ; de sorte que l’ermite et Lopez Lara devinèrent bientôt qu’ils avaient affaire au célèbre Riégo.

Dès ce moment, Lopez Lara ne songea plus qu’à une chose : au moyen de faire tomber Riégo entre les mains des autorités royalistes.

Au jour, il fallut s’arrêter. On se trouvait près de la ferme de Baquevisonès. Riégo annonça qu’il allait y demander un asile. En conséquence, il donna l’ordre à Lara de frapper à la porte. Lara obéit.

Le hasard fit que ce fut son frère qui vint ouvrir ; ce frère se nommait Matéo. Lara comprit que c’était un renfort que le hasard lui envoyait. Riégo, pensant qu’une escorte trop considérable pourrait le trahir, ne voulut permettre qu’à trois de ses compagnons d’entrer avec lui. Un de ces compagnons était un Anglais ; plus défiant encore que Riégo, il se hâta de refermer derrière lui la porte de la ferme, et d’en mettre la clef dans sa poche.

Puis, après avoir donné l’avoine aux chevaux, on se reposa dans l’étable, chacun ayant près de lui son épée nue.

Trois dormaient, tandis que le quatrième faisait Je guet.

En s’éveillant, Riégo s’aperçut que son cheval était déferré.

Il ordonna à Lopez Lara de le faire ferrer sur-le-champ.

— Soit, répondit celui-ci, je vais l’emmener à Arguillos, et, là, je le ferai ferrer.

— Non, répondit Riégo ; toi, au contraire, tu resteras ici, et