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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le martyr s’appelait Riégo ; le coupable avait nom Castaing.

Riégo était né, en 1783, dans les Asturies, ce qui lui faisait quarante ans accomplis ; il était d’une famille pauvre mais noble, et, lors de l’invasion de 1808, il s’était engagé comme volontaire. Devenu officier dans le régiment même où il s’était engagé, il avait été fait prisonnier et — conduit en France. Renvoyé en Espagne à la paix, il était parvenu — toujours dans le même régiment — au grade de lieutenant-colonel, et, ayant entraîné ce régiment à l’insurrection, il avait, appuyé par lui, proclamé la constitution de 1812, à las Cabezas-de-San-Juan.

On verra plus tard que l’on voulait y exposer sa tête, afin que cette bouche muette et ces yeux fermés par la mort témoignassent qu’il ne faut qu’un jour à la royauté pour être cruelle, et au peuple pour être ingrat.

Le 27 septembre, il avait été arrêté à Cadix.

Disons quelques mots de cette arrestation et de cette mort, de cette mort surtout, qui, malheureusement, est presque de l’histoire de France.

Après sa dernière défaite, le général Riégo errait dans la montagne avec une vingtaine de ses compagnons d’armes, appartenant tous comme lui au parti libéral.

Quinze de ces fugitifs étaient des officiers.

Tous épuisés de fatigue et de faim, ils ne savaient où chercher un abri, ni à qui demander leur nourriture, lorsqu’ils aperçurent deux hommes.

Ils marchèrent droit à eux.

Ces deux hommes étaient l’ermite de la terre de Pédro-Gil, et un habitant de Velez nommé Lopez Lara.

Le général les prit à part.

— Mes amis, leur dit-il, vous avez l’occasion de gagner une fortune !

— Que faut-il faire pour cela ? demandèrent les deux hommes.

— Il faut me conduire, sain et sauf, à la Carolina, à Carboneras et à Novas-de-Tolosa.