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brutus.

Je le sais.

faustus.

Quelle rive, étranger, t’a vu naître ?

brutus.

Quand les dieux parleront, je me ferai connaître.
Ma mère est de Capène ; elle m’accoutuma,
Tout enfant, à servir les grands dieux de Numa.
Du haut du Quirinal, on voit ma bergerie
Sous le bois saint aimé de la nymphe Égérie,
Et jamais le loup fauve, autour de ma maison,
Ne souilla de ses dents une molle toison.

faustus.

Et quel secret dessein à la ville t’amène ?

brutus.

La liberté !… Jadis Rome était son domaine,
Lorsque les rois pasteurs, sur le coteau voisin,
Pauvres, se couronnaient de pampre et de raisin ;
Lorsque le vieux Évandre arrivait dans la plaine,
pour présider aux jeux, sous un sayon de laine,
Et que partout le Tibre admirait sur ses bords
Des vertus au dedans et du chaume au dehors…
Mais ces temps sont bien loin ! Tout dégénère et tombe !
Le puissant Romulus doit frémir dans sa tombe,
En écoutant passer sur son marbre divin
Des rois ivres d’orgueil, de luxure et de vin !

faustus.

Jeune homme, la sagesse a parlé par ta bouche.
Ton regard est serein ; ta voix rude me touche.
Non, tu n’es pas de ceux qui vont à nous, rampant
Sous l’herbe des jardins, comme fait le serpent ;
Infâmes délateurs qui touchent un salaire
En révélant au roi la plainte populaire,
Et livrent au bourreau, sous l’arbre du chemin,
Tout citoyen encor fier du nom de Romain…