avec Messaline ; mais, enfin, je soutenais que l’œuvre, toute dépourvue qu’elle était d’imagination et de drame, méritait d’être écoutée à cause de la forme, lorsque Méry dit :
— Moi, je propose de faire une Lucrèce, et de la faire jouer avant que la Lucrèce de Ponsard soit jouée elle-même. On l’annonce pour le 25 du mois ; — nous sommes le 22 ; — elle ne sera jouée que le 30. C’est plus de temps qu’il n’en faut pour faire deux mille vers, pour les lire, les distribuer, les répéter et les jouer.
— Combien vous faut-il pour faire la tragédie ? dis-je à Méry.
— Dame ! à quatre cents vers l’acte, cinq actes, c’est cinq jours.
— Ainsi, demain au soir, vous pourriez nous donner le premier acte ?
— Demain au soir, oui.
Nous prîmes rendez-vous pour le lendemain au soir, sans compter aucunement sur le premier acte de Lucrèce.
Le lendemain, tout le monde était exact au rendez-vous.
Nous nous transformâmes en comité de lecture. On apporta un verre d’eau à Méry. Il s’assit à la table ; nous fîmes cercle à l’entour. Il tira son manuscrit de sa poche, toussa, trempa l’extrémité de ses lèvres dans l’eau, et lut les scènes suivantes.
Il n’avait pas fini l’acte parce qu’il avait été dérangé ; mais il offrait de terminer, séance tenante, ce qu’il en manquait.
Scène PREMIÈRE.
Dieu pénate d’argile, ô mon dieu domestique !
Un jour, tu seras d’or, sous un riche portique,