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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

comparée, et Cuvier, qui n’avait pas d’auditeur plus assidu que lui, le tenait en grande amitié, et lui prédisait sa survivance géologique.

Les choses, d’ailleurs, se présentaient à merveille pour l’avenir de notre Marseillais : madame Caldairon, qui l’adorait, voulait lui faire épouser une jeune marchande de modes très-en vogue à cette époque, et dont la maison, l’une des plus accréditées de Paris, rapportait vingt-cinq ou trente mille francs par an. Le mariage était arrêté ; Méry souriait à un avenir de paille de riz, et de rubans bleus et roses, lorsque, par une fraîche soirée de février 1826, la jeune fiancée, forcée de traverser le pont des Arts au bras de Méry, faute d’un fiacre, cherché inutilement quai Voltaire et rue Jacob, fut prise d’un refroidissement, atteinte d’une maladie de poitrine, et mourut en trois jours.

Méry se trouva veuf, sans avoir été marié.

Il se crut condamné à des larmes éternelles ; mais les dames et la géologie ont de puissantes consolations, et, sans avoir oublié la pauvre morte, Méry se trouva, un matin, la tête assez libre pour dire à Barthélemy :

— Mon cher, savez-vous qu’un homme qui ferait dans ce moment-ci de la satire aurait une place superbe à prendre en politique et en poésie ?

— Avez-vous une idée ? demanda Barthélemy.

— Oui, certes.

— Laquelle ?

— Une Épître à Sidi Mahmoud.

Vous avez oublié ce que c’était que Sidi Mahmoud, n’est-ce pas ? Eh bien, je vais vous le dire.

C’était un envoyé de notre ami le bey de Tunis, — un peu moins notre ami, à cette époque-là, qu’il ne l’est aujourd’hui, — et qui venait féliciter Charles X sur son avènement à la couronne.

Sidi Mahmoud avait été reçu solennellement, le 5 mai, au ministère des affaires étrangères, par M. le baron de Damas, ayant autour de lui des pairs, des députés et des officiers généraux.