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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Au nombre de ceux-là, les plus vaillants, les plus assidus, ceux qui ont fait le plus rude travail comme mineurs, ceux qui ont livré les plus rudes assauts comme combattants, sont bien certainement MM. Barthélemy et Méry.

Marseillais tous deux, ils se connaissaient cependant à peine en 1825. M. Méry n’avait jamais quitté Marseille, et M. Barthélemy, après l’avoir quittée enfant, n’y était presque jamais revenu.

M. Barthélemy, que nous appellerons Barthélemy tout court, si on le veut bien, avait été élevé au collège de Juilly, et y avait reçu une excellente éducation grecque et latine ; il avait fait à Marseille, dans le genre de Mathupin Régnier, une satire qui avait fait beaucoup de bruit, mais sans jamais être imprimée, lorsqu’il publia, à propos du sacre, une Ode à Charles X.

Perdu dans le succès qu’obtinrent, à cette époque, des rivaux déjà illustres, quand il était encore inconnu, Barthélemy vit son ode passer inaperçue, et, cependant, il y avait dans cette ode quelques strophes remarquables, et entre autres celle-ci, adressée à Camoens :

Et toi, chantre fameux des conquérants de l’Inde,
Fier de ton indigence et des lauriers du Pinde,
Tu nageais sur les flots de l’abîme irrité,
Et du double trépas, vainqueur digne d’envie,
D’une main tu sauvais ta vie,
De l’autre tu sauvais ton immortalité !

Barthélemy avait hérité un certain patrimoine de son père, et le mangeait tranquillement hôtel du Grand-Balcon, rue Traversière, n° 11.

Méry aussi avait débuté, et, pour son début, à l’âge de dix-huit ans, il avait été condamné à huit mois de prison.

Ce début était une brochure contre M. Éliça Gallay.

Quand, après vingt-cinq ans écoulés, on se retourne et qu’on revient sur l’ancien sentier de sa vie, on est tout étonné d’y retrouver des noms d’hommes et de choses complètement