l’un de ses amis, entra dans l’établissement. M. le baron, de B***, un peu chicaneur par nature, et connu, du reste, par deux ou trois duels heureux ou malheureux, — selon que, doué de plus ou de moins de philanthropie, le lecteur pensera qu’il est heureux ou malheureux de blesser ou de tuer son prochain, — M. le baron de B*** s’approcha du billard, et, sans même s’adresser au jeune homme :
— Changeur, dit-il, fais-nous servir le café, et cède-nous la place.
— Pardon, monsieur le baron, dit Changeur étonné et montrant le jeune homme, c’est que je suis en partie.
— Eh bien, tu quitteras ta partie, voilà tout !
— Monsieur, dit timidement et poliment le jeune homme, nous n’avons plus que quelques points à faire ; dans dix minutes, le billard sera à vous.
— Ce n’est pas dans dix minutes, c’est tout de suite que je le demande… Allons, allons, Changeur, donne-moi ta queue, mon garçon.
Morrisel, déjà vieux, grisonnant, maigre, malingre, de pauvre et chétive apparence, prenait sa tasse de café dans un coin.
— Changeur, dit-il sans se lever, et d’une voix flûtée qui contrastait étrangement avec les paroles qu’elle prononçait ; Changeur, mon ami, je te défends de céder le billard.
— Cependant, monsieur, répond Changeur fort embarrassé, puisque M. le baron de B*** veut que je lui donne ma queue.
— Si tu donnes ta queue à M. le baron, Changeur, je la reprends des mains de M. le baron, et je te la casse sur la tête !
M. le baron de B*** vit bien que Changeur n’était que le fil électrique.
Il avait, en effet, reçu le coup ; il se retourna vers celui qui le portait.
— Mais il me semble, monsieur, dit-il, que vous avez envie d’avoir une querelle avec moi ?
— Je suis charmé, monsieur, que vous ayez la vue si juste !