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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le sol toujours s’en va, le flot toujours s’élève ;
Malheur à qui, le soir, s’attarde sur la grève,
Et ne demande pas au pêcheur qui s’enfuit
D’où vient qu’à l’horizon l’on entend ce grand bruit !
Rois, hâtez-vous ! rentrez dans le siècle où nous sommes ;
Quittez l’ancien rivage ! — À cette mer des hommes
Faites place, ou voyez si vous voulez périr
Sur le siècle passé, que son flot doit couvrir !

C’étaient encore des poëtes, ceux-là qui écrivaient ces vers :

Mais bientôt, aux regards de ce nouveau ministre,
La nuit vint révéler un avenir sinistre ;
Des signes éclatants, au fond des cieux écrits,
De ces partis vainqueurs glacèrent les esprits ;
Et la France espéra ! — L’immortelle déesse
Qui prête son épée aux martyrs de la Grèce,
Sur le fronton aigu du sénat plébéien,
Parut, en agitant son bonnet phrygien !
Panthéon, la croix d’or s’éclipsa de ton dôme !
Sous les marbres sacrés de la place Vendôme,
La terre tressaillit, et l’oiseau souverain
S’agita radieux sur sa base d’airain !…

Il est vrai, comme nous l’avons dit, que le gouvernement aidait merveilleusement à éperonner l’esprit public. Les procès de presse se succédaient sans interruption, et c’est toujours cette liberté-là qui éclate, quoi qu’on fasse, et qui, en éclatant, tue ceux qui la compriment. On ne renverse pas les monarchies ; elles se minent et s’ébranlent elles-mêmes ; puis, à un jour donné, le peuple, les voyant chanceler, les pousse avec de grands cris, et elles tombent !

Le Spectateur religieux, traîné de tribunaux en tribunaux, était renvoyé devant la cour d’Orléans.

M. de Senancourt, condamné, en police correctionnelle, — pour son résumé des Traditions morales et religieuses, — à neuf mois de prison et à cinq cents francs d’amende, était acquitté en appel.