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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

signe de refus, et, s’arrêtant à un pas de la porte en avançant le pied droit, et en appuyant la main gauche sur sa hanche :

— Monsieur Dumas, me dit-il, est-ce que vous n’avez point, par hasard, dans votre pièce, un gaillard bien campé qui vienne dire à cette drôlesse de reine Christine : « Madame, Votre Majesté n’a pas le droit de tuer ce pauvre diable de Monaldeschi, par telle, telle, telle et telle raison ? »

— Non, monsieur, non ! je n’ai pas ce gaillard-là dans ma pièce.

— Vous ne l’avez pas, bien vrai ?

— Non.

— Alors, je n’ai rien à vous dire… Adieu, monsieur Dumas.

Et, tournant sur ses talons, il sortit comme il était entré. Il venait me demander le rôle de ce gaillard bien campé, comme il disait.

Malheureusement, comme j’avais été forcé de l’avouer, ce rôle n’était pas dans ma pièce.

Dans les beaux temps de sa gloire, il ne disait jamais ni Talma, ni M. Talma, il disait : l’autre.

— Monsieur Lafond, lui dit un, jour le comte de Lauraguais, — qui avait été l’amant de Sophie Arnould, et qui était, avec le marquis de Ximènes, un des habitués les plus assidus du foyer des acteurs, — monsieur Lafond, je trouve que vous êtes trop souvent l’un, et pas assez souvent l’autre »

Tout au contraire de Lafond, mademoiselle Duchesnois était d’une bonhomie réelle, et ses succès, qui avaient été grands, ne lui inspiraient aucune vanité. Elle était née en 1777, un an avant mademoiselle Mars, à Saint-Saulve., près de Valenciennes, et elle avait, lors de son début dans Phèdre, en 1802, changé son nom de Joséphine Ruffin, contre celui de Duchesnois.

Nous avons dit qu’elle avait été rivale de mademoiselle Georges en tous points : rivale en art, rivale en amour.

Harel était le beau Paris, objet de cette rivalité.

Harel, tour à tour directeur du théâtre de l’Odéon et du théâtre de la Porte-Saint-Martin, jouera un grand rôle dans