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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Je quittai le Musée sans oser faire de questions à personne.

Comme c’était un dimanche, et que je n’avais pas vu Soulié depuis plusieurs jours, je résolus d’aller passer une partie de la soirée avec lui à la Gare.

À neuf heures, — après avoir prévenu ma mère que je rentrerais probablement très-tard, — je sucrais une tasse de thé, près d’un bon feu (le bois ne manquait pas à la scierie mécanique) et je discutais avec Soulié sur les changements que les représentations qui venaient d’avoir lieu devaient l’engager à faire à sa Juliette.

Tout à coup, je me rappelle ce bas-relief représentant la mort de Monaldeschi, et, n’osant demander des détails à Soulié, de peur qu’il ne me raille sur mon ignorance, je lui demande s’il a une Biographie universelle. Il en avait une.

Je lis les deux articles Monaldeschi et Christine.

Puis, après une rêverie de quelques instants, au fond de laquelle il me sembla voir s’agiter de sombres personnages et reluire des épées :

— Sais-tu, dis-je à Soulié, comme s’il avait pu suivre ma pensée, qu’il y a un terrible drame là dedans ?

— Dans quoi ?

— Dans l’assassinat de Monaldeschi par Christine.

— Je crois bien !

— Veux-tu le faire ensemble ?

— Non, me répondit sèchement Soulié ; je ne veux plus travailler avec personne.

— Et pourquoi ?

— Parce que David m’a promis, à la première œuvre importante que je ferais seul, de me faire avoir la croix par M. Portalis.

Je regardai Soulié tout étonné. Il avait dans le caractère de ces brutalités-là, dont lui-même ne se rendait pas compte.

— Puis, continua-t-il, je compte moi-même faire une tragédie sur ce sujet-là.

— Ah ! dis-je en reposant les volumes.