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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

comédien parce qu’il était Anglais, et qu’on sifflait une pièce parce qu’elle était de Shakspeare.

Les représentations se suivirent avec une vogue croissante. À Hamlet succéda Juliette ; puis Othello ; puis, enfin, les uns après les autres, tous les chefs-d’œuvre de la scène anglaise.

Kemble et miss Smithson eurent tous les honneurs de ces représentations. Il est impossible de se figurer ce qu’étaient la scène de folie d’Ophélia, la scène des adieux au balcon de Juliette, la scène d’empoisonnement dans les caveaux mortuaires, la scène de jalousie d’Othello, la mort de Desdemona, jouées par ces deux grands artistes.

Abbott, de son côté, jouait certains rôles d’une manière charmante.

Le rôle de Mercutio, entre autres, était pour cet élégant comédien un véritable triomphe.

Et voyez comme les événements qui doivent influer sur la vie d’un homme s’enchaînent les uns aux autres : le 10, les acteurs anglais clôturèrent la série de leurs représentations me laissant le cœur tout haletant d’impressions inconnues, l’esprit illuminé de lueurs nouvelles.

Le 4, c’est-à-dire six jours auparavant, le salon d’exposition venait d’ouvrir.

À ce salon, mademoiselle de Fauveau avait exposé deux petits bas-reliefs autour desquels se groupaient tous les artistes.

Le premier de ces bas-reliefs représentait une scène de l’Abbé.

Le second, l’assassinat de Monaldeschi.

Je m’étais approché, comme les autres, de ces bas-reliefs, et plus que les autres peut-être avais-je admiré la finesse et l’énergie de ce ciseau, si habilement manié par des mains de femme.

J’avais lu l’Abbé. J’étais donc suffisamment renseigné sur l’un de ces bas-reliefs ; mais j’étais si peu au courant de certains points d’histoire, que j’ignorais complètement, non-seulement les détails du fait rappelé par l’autre sculpture, mais encore ce que c’était que Monaldeschi, mais encore ce que c’était que Christine.