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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

usant de son droit, suppliât le roi de se rendre aux vœux des Quarante en retirant ce projet de loi.

Après une discussion d’une heure, il fut résolu, à la presque unanimité, que cette supplique serait présentée au roi, et l’on nomma, pour la rédiger, MM. de Chateaubriand, de Lacretelle et Villemain.

Le 21 janvier, on lisait au Moniteur l’ordonnance suivante :

« Art. 1er. La nomination du sieur Villemain, maître des requêtes au conseil d’État, est révoquée… »

Puis, plus bas :

« Par décision du roi, M. Michaud, de l’Académie française, ne fait plus partie des lecteurs de Sa Majesté.

« Par arrêté de Son Excellence le ministre de l’intérieur, en date de ce jour, M. de Lacretelle a été révoqué de ses fonctions de censeur dramatique. »

Cette persécution fut accueillie par un cri de réprobation contre le gouvernement, et par un élan de sympathie vers les victimes de la brutalité ministérielle.

Enfin, ce concert d’opposition monta tellement haut, qu’il atteignit les proportions de la menace, et que le gouvernement, effrayé, retira, le 18 avril, le projet de loi qu’il avait proposé le 29 novembre.

Alors, une joie bruyante éclata dans Paris ; les maisons semblèrent rejeter elles-mêmes leurs habitants dans la rue ; chacun s’aborda le visage joyeux et la main étendue ; les ouvriers imprimeurs parcoururent les boulevards aux cris de « Vive le roi ! » en faisant flotter les plis d’un drapeau blanc, et, le soir, une illumination générale enflamma Paris.

Mais, dans sa mauvaise humeur, le gouvernement fit intervenir la force armée ; il y eut des coups donnés, des blessures reçues, et l’on fit honneur, non pas à l’intelligence, mais à la crainte du roi, du retrait de la fameuse loi de justice et d’amour.