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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

CVIII

Soulié à la scierie mécanique. — Son amour platonique pour l’or. — Je veux faire un drame avec lui. — Je traduis Fiesque. — Mort d’Auguste Lafarge. — Mon traitement est augmenté, et ma position diminuée. — Félix Deviolaine, condamné par la médecine, est sauvé par la maladie. — Louis XI à Péronne. — La garde-robe dramatique de Talma. — La loi de justice et d’amour. — Licenciement de la garde nationale.

Ce fut à partir de ce moment que je pris résolument ma détermination ; comme Fernand Cortez, j’avais brûlé mes vaisseaux : il me fallait triompher ou tendre la gorge.

Malheureusement, je ne jouais pas pour moi seul ; ma pauvre mère était de moitié dans mon enjeu.

Quoique Soulié, plus malheureux que nous, n’eût encore rien eu de joué, j’avais deviné tout ce qu’il y avait de force dans cette imagination en travail, et j’étais résolu à faire, en collaboration avec lui, une œuvre de quelque importance.

Je partageais un peu, au fond, l’avis de M. Oudard touchant mes deux dernières productions, et, la preuve, c’est que je n’avais voulu mettre mon nom ni à l’une ni à l’autre, tandis que, par un instinct qui ne me trompait pas, je l’avais mis à l’Ode sur la mort du général Foy, aux Nouvelles contemporaines et au Pâtre romain.

Mais, au théâtre, j’étais bien décidé à ne signer qu’une œuvre appelée à un grand retentissement.

Soulié avait déménagé : il occupait un logement à la gare d’Ivry ; je ne sais quelle société l’avait mis à la tête d’une scierie mécanique dans laquelle il employait une centaine d’ouvriers.

Relativement à nous, Soulié se trouvait riche. Il avait la petite pension que lui faisait son père, plus ses appointements comme directeur d’un établissement industriel ; il en résultait qu’il pouvait remuer un peu d’or dans ses poches, ce qui nous était défendu, à nous.