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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Mais peu m’importait ! cette guerre, quelle qu’elle fût, et si loin qu’elle fût poussée, j’étais décidé à la soutenir.

Huit jours après, j’eus une consolation.

Vulpian vint nous annoncer, à Lassagne et a moi, que notre pièce avait été reçue au théâtre de la Porte-Saint-Martin, pour les débuts de Serres.

Comme on le voit, je me rapprochais du Théâtre-Français tout doucement. Mais je n’avais pas appris l’italien pour ignorer le proverbe : Che va piano va sano.

Les droits d’auteur aussi étaient augmentés.

Un vaudeville, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, était payé dix-huit francs, et emportait pour douze francs de billets.

C’étaient donc huit francs par soirée, au lieu de six, qui allaient me revenir, — juste le double, cette fois, de ce que me rapportait mon bureau.

La Noce et l’Enterrement fut joué le 21 novembre 1826.

Je vis jouer mon œuvre de l’orchestre, où j’étais avec ma mère. Comme on ne devait pas me nommer, et comme j’étais parfaitement inconnu, je ne trouvais aucun inconvénient à me donner la satisfaction d’assister au spectacle.

La pièce réussit parfaitement ; mais, de peur que mon succès ne m’enivrât, de même qu’au triomphe des empereurs romains un esclave criait : « César ! souviens-toi que tu dois mourir ! » de même, la Providence avait mis à ma gauche un voisin qui, la toile tombée, se leva en disant :

— Allons, allons, ce n’est pas encore là ce qui soutiendra le théâtre.

Il avait raison, mon voisin, et il s’y connaissait d’autant mieux que c’était un confrère.

La pièce fut jouée une quarantaine de fois, et, comme Porcher me laissait généreusement la moitié de mes droits, ne touchant que l’autre moitié pour rentrer dans ses avances, les quatre francs de billets que je recevais par soirée nous aidèrent à passer l’hiver de 1826 à 1827.