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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Oui, dit Amédée insistant, oui, il est venu presque tous les jours.

— Ici ? fit Talma.

— Ici. Moi-même, je lui ai parlé deux fois ; je lui ai même promis que, dès que tu irais mieux, tu le recevrais.

— Oh ! non, non, dit vivement Talma. Seulement, dès que j’irai mieux, il aura ma première visite. Je me rappelle que, dans le temps, il a eu la bonté de m’envoyer un ecclésiastique pour me dire qu’il n’était pour rien dans l’affront fait à mes enfants lors de la distribution des prix, et que tout le blâme devait retomber sur le maître de pension.

Voici, en effet, ce qui était arrivé, et cet événement avait fait une profonde blessure au cœur de Talma, qui adorait ses deux enfants :

Le jour de la distribution des prix, l’archevêque de Taris s’était rendu à l’institution Morin pour assister à cette solennité. Or, il arriva qu’on n’osa point — le prêtre couronnant les jeunes élèves — lui donner à couronner les deux fils du grand artiste ; les noms des deux enfants furent donc omis, et ce ne fut qu’après le départ de M. de Quélen qu’on leur remit, en secret, les prix qu’ils avaient mérités.

Talma fit, à l’instant même, abjurer ses deux enfants, qui, à partir de ce moment, appartinrent à la religion réformée.

Les médecins se retirèrent. En sortant, M. Dupuytren dit à Amédée :

— Je vais au château ; si je rencontre l’archevêque, que lui dirai-je ?

— Mais, monsieur, dit le jeune homme, vous n’avez rien de mieux à faire, ce me semble, que de lui raconter ce qui vient de se passer devant vous, et la réponse que mon oncle a faite à mes instances ; si, plus tard, mon oncle le demandait, j’aurais l’honneur de l’en instruire à l’instant.

Mais, au lieu de suivre cette instruction, M. Dupuytren, qui ne rencontra que l’archevêque, prit sur lui d’écrire à sa grandeur qu’elle pouvait se présenter chez Talma, et que Talma la recevrait

M. de Quélen s’empressa de se rendre à l’invitation, qu’il