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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Sur son dos éclatant, où frémissant deux ailes,
S’il portait un carquois et des flèches cruelles,
Vos yeux le prendraient pour l’Amour.

C’est lui qu’on voit, le soir, quand les heures voilées
Entr’ouvrent du couchant les portes étoilées,
Glisser dans l’air à petit bruit ;
C’est lui qui donne encore une voix aux naïades,
Des soupirs à Syrinx, des concerts aux dryades,
Et de doux parfums à la nuit.

Zéphire est son doux nom ; sa légère origine,
Pure comme l’éther, trompa l’œil de Lucine,
Et n’eut pour témoins que les airs ;
D’un souffle du printemps, d’un soupir de l’aurore,
Dans son liquide azur, le ciel le vit éclore
Comme un alcyon sur les mers.

Ce n’est point un enfants mais il sort de l’enfance ;
Entre deux myrtes verts, tantôt il se balance ;
Tantôt il joue au bord des eaux,
Ou glisse sur un lac, ou promène sur l’onde
Les filets d’Arachné, la feuille vagabonde,
Et le nid léger des oiseaux.

Souvent sur les hauteurs du Cynthe ou d’Érymanthe,
Sous les abris voûtés d’une source écumante
Il lutine Diane au bain ;
Ou, quand, aux bras de Mars, Vénus s’est endormie,
Sur leur couche effeuillant un rosier d’Idalie,
Il les cache aux yeux de Vulcain.

Parfois, aux antres creux, — palais bizarre et sombre
De la sauvage Écho, du sommeil et de l’ombre, —
Du Lion il fuit les ardeurs ;
Parfois, dans un vieux chêne, aux forêts de Cybèle,
Dans le calme des nuits il berce Philomèle,
Son nid, ses chants et ses malheurs.

Ô puisses-tu, Zéphire, auprès de ton poëte,
Pour seul prix de mes vers, au fond de ma retraite