Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

L’oiseau n’a plus de voix pour chanter ses amours,
Et, sur la rive desséchée,
La fleur implore en vain, immobile et penchée,
Le ruisseau tari dans son cours.

Il est une place au bocage
Où, s’arrondissant en berceaux,
Le lierre et la vigne sauvage
Se prolongent en verts arceaux.
C’est là qu’étendu sous l’ombrage,
Un berger du prochain village
Trouve un sommeil réparateur ;
Et près de lui son chien fidèle
Veille, attentive sentinelle,
Sur les troupeaux et le pasteur.

Tu dors ! jeune fils des montagnes,
Et mon œil, aux débris épars autour de toi,
Reconnaît ces vastes campagnes,
Où florissait le peuple roi !
Tu dors ! et, des mortels ignorant le délire,
Nul souvenir de gloire à ton cœur ne vient dire
Que tes membres lassés ont trouvé le repos
Sur la poussière d’un empire
Et sur la cendre des héros.

Ces grands noms, qu’aux siècles qui naissent
Lèguent les siècles expirants,
Et qui toujours nous apparaissent
Debout sur les débris des ans,
De nos cœurs sublimes idoles,
Sont pour toi de vaines paroles,
Dont les sons ne t’ont rien appris ;
Et, si ta bouche les répète,
C’est comme l’écho qui rejette
Des accents qu’il n’a pas compris.

Conserve donc cette ignorance,
Gage d’un paisible avenir,
Et qu’une molle indifférence
T’épargne même un souvenir.