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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

même succès avec mes nouvelles que mesdames de Duras et de Salm avec les leurs.

J’avais donc fait trois nouvelles ; ces trois nouvelles formaient un petit volume ; ce petit volume, je l’avais offert à dix libraires qui l’avaient refusé du premier coup et, je dois leur rendre cette justice, sans la moindre hésitation.

Ces trois nouvelles étaient intitulées : l’une, Laurette ; l’autre, Blanche de Beaulieu ; j’ai complètement oublié le titre de la troisième.

De Blanche de Beaulieu, j’ai fait depuis la Rose rouge ; de la troisième, dont j’ai oublié le nom, j’ai refait depuis le Cocher de cabriolet.

Éprouvant refus sur refus de la part des libraires, et convaincu que l’apparition de mon volume devait produire, dans le monde littéraire, une sensation au moins égale à celle d’Ourika, j’étais résolu à faire imprimer ce volume à mes frais.

Il existait, à cette époque, de par le monde un homme qui s’y présentait avec une singulière prétention : c’était celle de renverser toutes les règles de l’orthographe, pour leur substituer une orthographe sans aucune règle.

À son avis, chaque mot devait s’écrire comme il se prononçait. De la racine grecque, de la racine celtique, de la racine romaine, de la racine arabe et de la racine espagnole, il ne s’inquiétait aucunement.

Ainsi, il écrivait le dernier adverbe que vient de laisser échapper notre plume oqunemen.

C’était assez difficile à lire, mais il paraît que c’était plus facile à écrire.

Cet homme s’appelait M. Marle.

M. Marle cherchait partout des partisans à son orthographe ; il comprenait qu’il ne pouvait faire de révolution que comme Attila, c’est-à-dire à la tête d’un million d’hommes.

Or, ayant jugé sans doute que les hommes de lettres, et, en particulier, les vaudevillistes, étaient ceux qui devaient le moins tenir à l’orthographe, il avait surtout essayé de faire ses embauchements parmi nous.