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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Il y avait donc effectivement lièvre et lièvre, boulevard et boulevard. 

Je m’informai des droits d’auteur d’un vaudeville à l’Ambigu.

Il y avait douze francs de droits d’auteur, et six places dans la salle.

C’était, chacun, quatre francs par soirée, plus deux places.

Ces deux places étaient estimées quarante sous.

Le résultat de mes débuts dramatiques serait donc de me produire six francs tous les jours.

Mais, qu’on ne s’y trompe pas, six francs tous les jours, c’étaient mes appointements, plus une moitié.

Seulement, quand notre première représentation arriverait-elle ?

On avait promis à Rousseau que ce serait le plus tôt possible.

En effet, huit jours après, Rousseau fut appelé pour lire aux acteurs. 

Ce fut un jour de joie suprême.

En revenant de la lecture, Rousseau me prit à part.

— Écoute, me dit-il, — nous nous étions tutoyés pendant nos alternatives de douleurs et de joies, — si tu as besoin d’argent…

— Comment, si j’ai besoin d’argent ! certainement que j’en ai besoin !

— Eh bien, si lu as besoin d’argent, je t’indiquerai un brave homme qui t’en prêtera.

— Sur quoi ?

— Sur tes billets.

— Sur quels billets ?

— Sur les billets de spectacle, donc.

— Sur mes deux places par jour ?

— Oui ; tu comprends, moi, je lui ai vendu mes places et mes droits, tout… il m’a tout payé deux cent cinquante francs à forfait.

Alors, je me suis dit : « Il ne faut pas oublier les amis. » Je t’ai fait mousser ; j’ai dit que tu étais un jeune homme qui commençait, mais que tu donnais les plus belles