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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

On l’attendit toute la journée du 20 ; on croyait qu’il ferait une entrée triomphale par les boulevards.

Mars et Georges avaient pris une fenêtre à Frascati. Elles portaient des chapeaux de paille de riz blancs, et, à ces chapeaux de paille de riz, d’énormes bouquets de violettes.

On les savait persécutées, depuis un an à la Comédie-Française, à cause de leur attachement à l’empereur.

Elles furent remarquées.

Les bouquets de violettes étaient un emblème du mois de mars : le mois de mars était celui de la naissance du roi de Rome et du retour de Napoléon.

À partir de ce jour, les violettes devinrent un symbole.

On porta des violettes de toute façon : au chapeau, au côté, en garniture de robe.

Quelques-uns, plus fanatiques que les autres, portèrent, comme un ordre de chevalerie, une violette d’or à la boutonnière.

Il y avait contre les Bourbons une réaction au moins égale à celle qui s’était faite, un an auparavant, en leur faveur.

Quand Talma, quand Mars, quand Georges parurent sur le théâtre, ils furent criblés d’applaudissements.

Georges revit l’empereur aux Tuileries. Avec sa puissante organisation, Napoléon semblait avoir tout oublié. On eût dit qu’il n’avait quitté le château de Catherine de Médicis que pour aller, selon son habitude, remporter quelque nouvelle victoire.

La seule chose qui le préoccupât, c’est qu’on eût taché des meubles qu’il affectionnait.

un petit boudoir en tapisserie brodée par Marie-Louise et les dames de la cour était surtout l’objet de ses regrets.

— Croiriez-vous, ma chère, disait-il à Georges, que j’ai retrouvé des queues d’asperge sur les fauteuils !

C’était le plus grand reproche qu’il fît à Louis XVIII.

Le retour du dieu eut la courte durée de l’apparition d’un fantôme.

Waterloo vint faire un pendant à Leipzig, Sainte-Hélène à l’île d’Elbe.