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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pourvu que la pièce fût jouée et jouée vite, peu m’importait à quelle caisse je devrais me présenter.

Adolphe et Rousseau furent pour le Gymnase ; je n’avais rien contre le Gymnase, j’adhérai.

Rousseau demanda lecture.

On n’avait pas droit de refuser une lecture à Rousseau : il avait été joué.

Rousseau obtint donc lecture ; seulement, Poirson, qui était le véritable directeur du Gymnase, la lui fit attendre trois semaines.

Il n’y avait rien à dire ; — nous attendions, nous, depuis deux ans.

Il avait été décidé que deux auteurs seulement s’y présenteraient et seraient nommés. J’avais de grand cœur cédé l’honneur à de Leuven ; je ne voulais, en réalité, jeter mon nom à la publicité qu’à la suite d’une œuvre importante.

Tout dépend en ce monde de la façon dont on débute, et débuter par la Chasse et l’Amour, si remarquable que fût l’ouvrage, ne me paraissait un début digne ni de mes espérances ni de mon orgueil.

Or, quoique mes espérances eussent bien diminué depuis deux ans, mon orgueil était encore fort raisonnable.

Il fut donc décidé que je ne paraîtrais pas à la lecture ni sur l’affiche.

Seulement, mon nom de Dumas serait imprimé sur la brochure.

Le grand jour arriva. Nous déjeunâmes ensemble au café du Roi ; puis, à dix heures et demie, nous nous séparâmes ; Rousseau et Adolphe partirent pour le Gymnase, et je montai à mon bureau.

Oh ! je l’avoue, de onze heures à trois heures, les transes furent grandes. À trois heures, la porte s’ouvrit, et par l’entre-bâillement, j’aperçus deux figures désolées.

La première était celle de Rousseau, la seconde celle de Leuven.

La Chasse et l’Amour était refusée par acclamation.

Il n’y avait eu qu’un cri.