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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Comment, vous vous en allez ? crie l’épicier ; vous vous en allez sans payer la chandelle ?… Mais payez la chandelle, au moins !

Romieu se retourne :

— Si je payais la chandelle, où serait la farce ?

Et il continue son chemin sans s’occuper davantage des cris de l’épicier.

Parfois, Romieu s’élevait plus haut que l’épicier, et manquait de révérence au haut commerce.

Un soir, il passe rue de Seine, au coin de la rue de Bussy, au moment où, à minuit et demi, par extraordinaire, un commis s’apprête à fermer le magasin des Deux Magots, que l’on ferme d’ordinaire à onze heures.

Romieu se précipite dans le magasin.

— Où est le chef de l’établissement ?

— M. P*** ?

— Oui.

— Il est couché…

— Depuis longtemps ?

— Depuis une heure.

— Mais il est couché dans la maison ?

— Sans doute.

— Conduisez-moi près de lui.

— Mais, monsieur…

— Sans retard.

— Cependant…

— À l’instant même.

— C’est donc bien pressé, ce que vous avez à lui dire ?

— C’est-à-dire que je tremble d’arriver trop tard.

— Puisque monsieur m’assure…

— Mais allez donc ! mais allez donc !

Le commis ne prend pas le temps de fermer sa boutique, et conduit Romieu dans un entre-sol où M. P*** ronfle comme une contre-basse.

— M. P*** ! M. P*** ! crie le garçon.

— Eh bien quoi ?… Va-t’en au diable ! Qu’est-ce que tu veux ?