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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

saire de police, on conduisait Rousseau chez son ami, qui lui faisait une semonce d’abord, mais qui finissait toujours par le faire remettre en liberté.

Une fois pourtant, la semonce fut plus vive que d’habitude, et Rousseau l’écouta d’un air plus contrit. Puis, comme le commissaire de police lui reprochait de troubler son sommeil en le réveillant ainsi toutes les nuits :

— Vous avez raison, répondit Rousseau, et je vous promets désormais de me faire conduire chez un autre, une fois sur trois.

Il lui tint parole. Mais tous les commissaires de police n’avaient pas la même indulgence.

Le premier chez lequel se fit conduire Rousseau, l’envoya à la salle Saint-Martin, d’où il ne sortit que deux jours après ; ce qui le détermina à reprendre son ancien système.

C’était surtout aux portiers et aux épiciers qu’en voulaient Rousseau et Romieu.

Rousseau passait sa tête par le vasistas d’un concierge.

— Bonjour, mon ami.

— Bonjour, monsieur.

— Qu’est-ce que c’est, s’il vous plaît, que l’oiseau que vous avez à votre fenêtre ?

— C’est une fauvette à tête noire, monsieur.

— Ah ! ah !… Et pourquoi avez-vous une fauvette à tête noire ?

— Parce que cela chante très-bien, monsieur.

— Vraiment ?

— Tenez, écoutez…

Et le portier, les mains sur les hanches, dodelinant la tête de haut en bas, le visage souriant, écoutait le chant de sa fauvette.

— Ah ! c’est vrai… Vous êtes marié ?

— Oui, monsieur, en troisièmes noces.

— Et où est votre femme ?

— Mon épouse, monsieur veut dire ?

— Oui, certainement, votre épouse.

— Elle est chez le locataire du cinquième.