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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de la tranquillité. Suivant vos désirs, j’ai communiqué votre lettre à notre très-chère mère ; elle l’a lue, pénétrée des mêmes sentiments que moi, et reconnaît avec gratitude les nobles motifs qui vous ont dirigé. Dans ces motifs allégués par vous, il ne nous reste à tous deux qu’à vous laisser toute liberté de suivre vos résolutions inaltérables, et à prier le Tout-Puissant de faire produire à des sentiments aussi purs les résultats les plus satisfaisants.

» Je suis, pour toujours, votre très-affectionné frère,
» Alexandre. »

Nicolas n’en attendit pas moins la réponse du czarovitch, et ce ne fut que le 25 décembre qu’il déclara, dans un manifeste, accepter le trône qui lui était dévolu par la renonciation de son frère aîné. En conséquence, il fixait au lendemain, 26, la prestation de serment à faire, à lui, et à son fils aîné le grand-duc Alexandre.

Voilà comment, après avoir présenté le spectacle étrange de deux frères refusant une des plus belles couronnes du monde, Constantin demeura simple czarovitch, et Nicolas devint empereur de toutes les Russies.

CIV

Rousseau et Romieu. — Parlez au concierge. — La chandelle des huit. — Les Deux Magots. — À quelle heure on doit remonter sa montre. — M. Le sous-préfet s’amuse. — Henry Monnier. — Le chapitre des renseignements. — Les soupers. — Les cigares.

Pendant que ces grands événements se passaient dans les hautes sphères de la politique, notre humble fortune allait s’amoindrissant. Les cent louis qu’avait apportés ma mère tiraient à leur fin ; ce qui était effrayant, attendu qu’en un an et demi, nous avions dépensé près de quatre mille francs, c’est-à-dire à peu près dix-huit cents francs de plus que nous n’eussions dû le faire. Il y avait donc urgence à moi de tenir