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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de ses noces, s’était levé à cinq heures du matin pour faire manœuvrer un peloton de soldats de garde auprès de lui.

En conséquence de cette disposition, Constantin passait tout son temps à faire des armes, à monter à cheval, à s’exercer à la lance, à commander des manœuvres, toutes sciences qui lui paraissaient bien autrement utiles que la géométrie, l’astronomie ou la botanique.

Quant au français, on ne parvint à le lui faire étudier qu’en lui disant que c’était en français qu’étaient écrits les meilleurs livres de tactique militaire.

Aussi, sa joie fut grande lorsque Paul se brouilla avec la France, et lorsque Souvarov fut envoyé en Italie.

Le grand-duc fut mis sous les ordres du vieux maréchal.

C’était bien là le chef qui convenait à Constantin, un vieux Russe, plus emporté, plus brutal, plus sauvage encore, s’il était possible, que son jeune élève.

Constantin assista à ses victoires sur le Mincio, et à ses défaites dans les Alpes ; il lui vit creuser cette fosse où il voulait être enterré tout vivant. Il en résulta qu’à l’aspect de ces singularités, celles du jeune prince s’augmentèrent d’une telle façon, que plus d’une fois on se demanda si Paul, en laissant forcément l’empire à Alexandre, n’avait point particulièrement légué sa folie à Constantin.

Après la campagne de France et les traités de Vienne, Constantin avait été nommé vice-roi de Pologne.

Placé à la tête d’un peuple guerrier dont toute l’histoire n’est qu’un long combat, ses goûts militaires redoublèrent d’énergie ; malheureusement, il fallut substituer des simulacres de bataille aux sanglantes mêlées auxquelles il venait d’assister. Hiver ou été, — soit qu’il habitât le palais de Brühl, soit qu’il résidât au palais du Belvédère, — à trois heures du matin, il était debout et sanglé dans son habit de général, sans que jamais aucun valet de chambre l’eût aidé dans sa toilette. Alors, il s’asseyait devant une table couverte de cadres de régiments et d’ordres militaires, dans un cabinet où, sur chaque panneau, était peint le costume d’un des régiments de l’armée ; il lisait les rapports rédigés la veille, soit