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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La lettre écrite, un courrier fut expédié à Pétersbourg.

Pétersbourg savait la maladie.

Le 17 novembre, l’empereur avait écrit lui-même qu’il rentrait souffrant à Taganrog. Le 24, l’impératrice Élisabeth avait écrit à la grande-duchesse Hélène en la priant de prévenir l’impératrice Marie que l’empereur allait mieux. Le 27 le général Diébitch, à son tour, avait donné des nouvelles de l’empereur, en le disant atteint de la fièvre jaune ; enfin, le 29 novembre, l’impératrice Élisabeth avait encore écrit pour faire part à l’impératrice mère du mieux momentané que venait d’éprouver l’empereur.

Si faible que fût cette amélioration, l’impératrice mère, les grands-ducs Nicolas et Michel avaient ordonné, pour le 9 décembre, un Te Deum à la grande église métropolitaine de Kasan. Le peuple s’y était porté tout joyeux, car vis-à-vis de lui on avait exagéré la bonne nouvelle.

Vers la fin de la cérémonie, on vint prévenir le grand-duc Nicolas qu’un messager arrivant de Taganrog attendait dans la sacristie, porteur d’une dépêche qu’il ne voulait remettre qu’à lui-même.

Le grand-duc se leva et passa dans la sacristie, où il trouva le courrier, qui lui remit la lettre que nous avons lue tout à l’heure.

Mais lui n’eut pas besoin de lire la lettre, le cachet noir lui avait tout dit.

Le grand-duc Nicolas fit appeler le métropolitain, et, lui annonçant la triste nouvelle, il le chargea de l’apprendre de la façon la moins douloureuse possible à l’impératrice mère, près de laquelle il ne se sentait pas le courage de remplir cette cruelle mission.

Puis il vint reprendre sa place près de celle qui, dans son ignorance, continuait de prier pour la vie d’un fils dont les jours étaient finis.

À peine le grand-duc Nicolas avait-il repris sa place, que le métropolitain rentra dans le chœur. C’était un beau vieillard, à grande barbe blanche, et aux longs cheveux tombant jusqu’au milieu du dos. Sur un signe de lui, toutes ces voix