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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ce qu’on eût dû dire, c’est que le sujet des Deux Gendres était celui avec lequel, deux cents ans auparavant, Shakspeare avait fait le Roi Lear, et avec lequel, vingt-cinq ans plus tard, M. de Balzac devait faire le Père Goriot.

Toute cette polémique tourmenta fort M. Étienne, et l’empêcha probablement, de faire un pendant à ses Deux Gendres. Mahomet II n’avait eu qu’un succès d’estime : la pièce était froide et sans intérêt.

Ce n’était cependant pas un homme sans mérite que M. Baour-Lormian ; il a laissé ou plutôt il laissera quelques poésies d’un sentiment mélancolique d’autant plus remarquable que ce sentiment n’appartient nullement à l’Empire, qui n’a, sous ce rapport, à nous offrir que la Chute des Feuilles, de Millevoie, et la Feuille de Rose, de M. Arnault.

Encore, la Chute des Feuilles vint-elle avant, et la Feuille de Rose après l’Empire.

Citons quelques vers agréables de M. Baour-Lormian.

Ainsi qu’une jeune beauté
Silencieuse et solitaire,
Du sein du nuage argenté
La lune sort avec mystère…
Fille aimable du ciel, à pas lents et sans bruit,
Tu glisses dans les airs où brille ta couronne ;
Et ton passage s’environne
Du cortège pompeux des soleils de la nuit…
Que fais-tu loin de nous, quand l’aube blanchissante
Efface, à nos yeux attristés,
Ton sourire charmant et tes molles clartés ?
Vas-tu, comme Ossian, plaintive et gémissante,
Dans l’asile de la douleur
Ensevelir ta beauté languissante ?
Fille aimable du ciel, connais-tu le malheur ?

Revenons à mademoiselle Georges.

Mademoiselle Georges, comme nous l’avons dit, retrouvait donc le Théâtre-Français à peu près dans l’état où elle l’avait laissé.