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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

maient dans cette même disposition triste où il avait passé sa journée.

Quant à l’impératrice, elle avait, avec sa résignation ordinaire, accepté cette séparation de corps et d’âme. Pareille à l’ombre d’elle-même, quj aurait obtenu du ciel la permission de veiller sur son bien-aimé Alexandre, on sentait sa douce influence tout autour de l’empereur, sans la voir jamais.

L’hiver et le printemps de 1824 se passèrent ainsi ; mais lorsque arriva l’été, les médecins déclarèrent à l’unanimité qu’un voyage était nécessaire au rétablissement de l’empereur, et pensèrent que la Crimée était le pays le plus propre à accélérer la convalescence. Alexandre, comme s’il eût deviné qu’il touchait au terme de sa vie, n’avait fait aucun projet pour cette année. Il consentit donc avec une profonde indifférence à tout ce que l’on décida pour lui. L’impératrice, plus inquiète de cet état de morbide tranquillité qu’elle ne l’eût été d’un état d’irritation continuel, sollicita et obtint la permission de l’accompagner dans cette course ; et, après un service public chanté pour la bénédiction de son voyage, et auquel assista toute la famille impériale, Alexandre, conduit par son fidèle cocher Ivan, et suivi de son chirurgien Wylie et de quelques officiers d’ordonnance, sous les ordres du général Diébitch, quitta Pétersbourg, que son cadavre seul devait revoir, au bout de quatre mois.

C’était le 13 septembre, à quatre heures du matin.

L’impératrice partit le 15.

CIII

Alexandre quitte Saint-Pétersbourg. — Ses pressentiments funèbres. — Les deux étoiles de Taganrog. — Maladie de l’empereur. — Ses derniers moments. — Comment on apprit sa mort à Saint-Pétersbourg. — Le grand-duc Constantin. — Son portrait et ses goûts. — Quelle fut la cause de sa renonciation à l’empire. — Jeannette Groudzenska.

Ce départ avait naturellement amené un surcroît de travail, de sorte que ce ne fut que le 12 septembre, à quatre heures de