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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

« Mon cher Beausset,

« L’empereur me charge de vous dire que les artistes français qui sont ici doivent partir dans la journée d’aujourd’hui ou demain matin au plus tard, et se rendre à Paris. Veuillez les prévenir.

» Amitiés.
» Alexandre. »

Les artistes partirent. Puis eut lieu la bataille de Leipzig.

L’agonie de l’Empire était commencée.

Les artistes rentraient à Paris pendant ce temps.

Mademoiselle Georges, absente depuis cinq ans, reprenait son trône à la Comédie-Française.

Raucourt laissait, de son vivant, sa succession à peu près vacante. Depuis longtemps, le théâtre lui pesait ; elle ne jouait plus qu’à son corps défendant, et restait presque toute l’année à la campagne.

Mademoiselle Georges rentrait, par ordre, avec part entière, et le temps de son absence compté comme présence.

Elle reparut dans Clytemnestre : elle avait, alors, vingt-huit ans seulement. Son succès fut immense.

Il ne s’était pas fait, pendant ces cinq dernières années, de grands changements au Théâtre-Français.

Les pièces importantes jouées en l’absence de mademoiselle Georges étaient Hector et Christophe Colomb, dont nous avons parlé ; les Deux Gendres, de M. Étienne ; le Mahomet II, de M. Baour-Lormian, et le Tippo-Saëb, de M. de Jouy.

Le succès des Deux Gendres n’avait pas été contesté, et n’était pas contestable.

Mais, comme il faut toujours, à tout auteur d’un mérite quelconque, contester quelque chose, on contesta à M. Étienne la paternité de sa comédie.

On tira, de je ne sais quelle case de la Bibliothèque le manuscrit poudreux d’un jésuite oublié, et l’on affirma que M. Étienne avait pillé ce malheureux jésuite.