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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Amour, laisse Balk à sa droite, descend sur Caboul par le défilé d’Andesab, suit les bords du fleuve, le franchit à Attok, envahit le Pendjab, s’empare de Delhi qu’il met à feu et à sang, et, l’année suivante, c’est-à-dire après quatorze mois de campagne, rentre dans sa Tatarie.

Puis vient Babour, qui traverse encore l’Indus, en 1505, s’établit à Lahore, et, de Lahore, gagne Delhi, dont il s’empare, et où il fonde la dynastie mongole.

Enfin, en 1739, Nadir-Schah, qui est descendu de la Perse sur le Caboul, suit cette même route de Lahore, et s’empare de Delhi, qu’il pille pendant trois jours.

C’est à Delhi probablement que les deux armées combinées, française et russe, eussent rencontré l’armée anglo-indienne.

Cette armée vaincue, Napoléon et Alexandre eussent marché, non pas sur Calcutta, qui n’est qu’un entrepôt de commerce, mais sur Bombay, dont la destruction serait bien autrement fatale à l’Angleterre que celle de Calcutta, puisque c’est par Bombay qu’elle communique avec la mer Rouge et respire l’Europe. Bombay pris, la tête du serpent était écrasée ; restait seulement Madras avec ses mauvais remparts, et Calcutta avec sa forteresse, à laquelle il faut, pour la défendre, quinze mille hommes qu’elle ne peut nourrir.

La puissance de l’Angleterre anéantie dans l’Inde, la puissance russe lui succédait : Alexandre prenait pour lui la Turquie d’Europe, la Turquie d’Asie, la Perse et l’Inde.

Nous prenions pour nous la Hollande, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, tout le littoral africain de Tunis au Caire, la mer Rouge avec ses peuplades chrétiennes, et la Syrie jusqu’au golfe Persique.

Il va sans dire qu’on nous rendait Malte, les îles Ioniennes, et la Grèce jusqu’aux Dardanelles.

Et, alors, la Méditerranée était véritablement un lac français par lequel nous partagions le commerce de l’Inde avec notre sœur la Russie.

Il n’a tenu qu’à Alexandre que ce rêve fût une réalité ; il ne s’agissait, pour cela, que de tenir la promesse faite, au lieu de la trahir.