Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Les plus remarquables de tout ce volume étaient ceux d’une belle jeune fille de dix-sept ou dix-huit ans, qui venait de se faire connaître par un volume d’Essais poétiques, et que l’on appelait Delphine Gay. Voici l’élégie que lui avait inspirée la mort du général Foy, et qui, répétée par tous les journaux de l’époque, eut un immense succès :

Pleurez, Français, pleurez ! la patrie est en deuil ;
Pleurez le défenseur que la mort vous enlève ;
Et vous, nobles guerriers, sur son muet cercueil
Disputez-vous l’honneur de déposer son glaive !

Vous ne l’entendrez plus, l’orateur redouté
Dont l’injure jamais ne souilla l’éloquence ;
Celui qui, de nos rois respectant la puissance,
En fidèle sujet parla de liberté.
Le ciel, lui décernant la sainte récompense,
A commencé trop tôt son immortalité !

Son bras libérateur dans la tombe est esclave ;
Son front pur s’est glacé sous le laurier vainqueur,
Et le signe sacré, cette étoile du brave,
Ne sent plus palpiter son cœur.

Hier, quand de ses jours la source fut tarie,
La France, en le voyant sur sa couche étendu,
Implorait un accent de cette voix chérie…
Hélas ! au cri plaintif jeté par la patrie
C’est la première fois qu’il n’a pas répondu !

Les funérailles du général Foy eurent lieu le 30 novembre. Le corps fut porté de son hôtel à l’église Notre-Dame de Lorette ; malgré une pluie battante qui ne cessa de tomber de midi à quatre heures du soir, trente mille personnes suivirent le convoi, entre deux haies de cent mille spectateurs chacune.

Au milieu des voitures de deuil, on remarquait une voiture à la livrée du duc d’Orléans.

Le lendemain du convoi, cette chanson, dirigée contre le prince qui venait de donner une marque publique de sympa-¬