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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

d’un anévrisme, mort qui devait devancer la nouvelle de la maladie.

Il est vrai que l’on cachait cette maladie, dans l’espérance qu’elle ne serait pas mortelle.

Et, cependant, depuis huit jours, elle faisait des progrès effrayants : des étouffements se succédaient, d’abord de quart d’heure en quart d’heure, et ensuite à des intervalles plus rapprochés ; des vomissements avaient lieu de minute en minute.

Les deux neveux du général étaient près de lui, ne quittant pas un instant son lit, lui prodiguant tous leurs soins, et, comme c’étaient deux hommes, il n’essayait pas de leur cacher sa position.

— Je sens, disait-il, un pouvoir désorganisateur qui travaille à me détruire ; je le combats, mais je sens que c’est un géant, et que je ne puis le vaincre.

Quand vint l’heure suprême, il éprouva, quoiqu’on fût en novembre, le besoin de respirer l’air, et de chercher la vie au pâle rayon du soleil qui brillait comme une consolation.

Ses neveux le portèrent dans un fauteuil placé en face de la fenêtre ; mais il n’y put rester qu’un instant.

— Mes amis, mes bons amis, dit-il à ses neveux, reportez-moi sur mon lit, Dieu fera le reste.

À peine y était-il, que Dieu détacha cette âme loyale et pure du corps qui la renfermait.

Je rentrai chez ma mère tout désespéré. Si faible que je fusse, je compris que l’illustre mort avait quelque chose à attendre de ce jeune homme encore inconnu auquel il avait ouvert la carrière.

Et je fis cette pièce de vers dont j’ai déjà cité une strophe, la seule qui, heureusement, soit restée dans mon souvenir.

Je fis imprimer l’ode — à mes frais, bien entendu. Deux ou trois cents francs de ma pauvre mère passèrent a cette impression ; mais elle ne les regretta pas, ni moi non plus. On réunit tous les vers faits à cette occasion, sous le titre de Couronne poétique du général Foy.

Il y en avait un volume.