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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

fort jolie épigramme contre cette comédie. L’épigramme me touche fort peu, elle sort peut-être de la même plume qui avait loué l’ouvrage quand l’auteur avait cessé d’être un homme politique. Je ne prétends pas l’empêcher de continuer, mais le fait n’est pas vrai et je me récrie. Il n’y a eu de ma part ni possibilité ni volonté de faire ce qu’on m’impute. Je suis parti vendredi de la campagne, et je suis arrivé chez moi, à Paris, vers les sept heures, sans me douter de ce que le Moniteur avait publié, le matin, d’honorable pour moi. C’est mon portier qui m’a salué du titre de pair, attendu qu’il avait expédié, le matin même, pour mon village, une lettre officielle qui portait ce titre, et comme cette lettre ne m’est pas encore revenue, j’ignore à quel ministre je suis redevable de ce premier avis. Quant, à ma volonté, elle n’existe point, elle n’existera jamais ! c’est m’insulter que de me croire capable d’abjurer les travaux et les honneurs littéraires, pour un honneur politique. La Charte n’a pas établi d’incompatibilité entre le poëte dramatique et le pair de France ; si elle l’eût fait, j’aurais refusé la pairie. Les lettres et les succès de théâtre honorent ceux qui cultivent les unes et qui obtiennent les autres sans intrigue et sans bassesse. Au lieu d’y renoncer, je sollicite, au contraire, avec plus d’instance la représentation des Serments, la mise en scène d’une de mes tragédies et la lecture d’une comédie en cinq actes. Si vous avez quelque crédit auprès de M. le directeur du Théâtre-Français, veuillez l’employer en ma faveur. Les épigrammes dont on m’a poursuivi comme député sont bien usées ; vous devez désirer qu’on en renouvelle la matière, et une nouvelle comédie, une nouvelle tragédie de moi, seraient de merveilleux aliments pour la verve satirique de mes adversaires. Rendons-nous mutuellement ce service ; je vous en serai très-reconnaissant pour mon compte, et je vous prie d’agréer d’avance les remercîments de votre très-humble serviteur.

» Viennet. »

Revenons au baron Taylor et au changement que sa présence allait apporter dans la direction du Théâtre-Français.