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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Eh bien, des potentats ce formidable maître
Dans l’espoir de sa mort par le ciel fut trompé.
De ses ambitions, c’est la seule peut-être
Dont le but lui soit échappé.
En vain tout secondait sa marche meurtrière ;
En vain sa gloire incendiaire
En tous lieux portait son flambeau ;
Tout chargé de faisceaux, de sceptres, de couronnes,
Ce vaste ravisseur d’empires et de trônes
Ne put usurper un tombeau !

Tombé sous la main qui châtie,
L’Europe le fit prisonnier.
Premier roi de sa dynastie,
Il en fut aussi le dernier.
Une île où grondent les tempêtes
Reçut ce géant des conquêtes,
Tyran que nul n’osait juger,
Vieux guerrier qui, dans sa misère,
Dut l’obole de Bélisaire
À la pitié de l’étranger.

Loin du sacré tombeau qu’il s’arrangeait naguère,
C’est là que, dépouillé du royal appareil,
Il dort enveloppé de son manteau de guerre,
Sans compagnon de son sommeil.
Et, tandis qu’il n’a plus, de l’empire du monde,
Qu’un noir rocher battu de l’onde,
Qu’un vieux saule battu du vent,
Un roi longtemps banni, qui fit nos jours prospères,
Descend au lit de mort où reposaient ses pères,
Sous la garde du Dieu vivant !
............

Et le poëte accordait encore trop à Napoléon en lui accordant ce vieux saule battu du vent ; car, juste en ce moment, les autorités de Saint-Hélène ayant aboli le péage qui avait été établi d’abord, et que devaient subir ceux qui visitaient la tombe de Napoléon, M. Trobet, propriétaire du terrain sur lequel avait été enterré l’empereur, demanda, puisque ce