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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Puis, se retournant vers son frère, qui allait échanger son titre de comte d’Artois contre celui de Charles X, et lui montrant le duc de Bordeaux :

— Mon frère, lui avait-il dit, ménagez bien la couronne de cet enfant.

Cette terreur pour l’avenir de son neveu était-elle un pressentiment que Dieu envoyait au moribond à son moment suprême ?

Il avait rassemblé toutes ses forces pour prononcer ces dernières paroles.

Bientôt la respiration devint râleuse et le pouls intermittent ; puis il se déclara une crise à la suite de laquelle le roi retomba dans un calme effrayant. À deux heures du matin, le battement du pouls était presque insensible, et la voix complètement éteinte, quoique le malade fit comprendre, par des signes d’yeux, à son confesseur, qu’il continuait d’entendre ses exhortations. Enfin, à quatre heures du matin, en voyant le dernier signe de vie qui venait de s’échapper de ce corps désormais immobile pour l’éternité, M. Alibert dit, en tirant une des mains de Louis XVIII hors du lit :

— Le roi est mort !

À ces mots, le comte d’Artois, qui, depuis deux jours, n’avait point quitté son frère, s’agenouilla devant son lit, et lui baisa la main. Madame la duchesse d’Angoulême et Mademoiselle en firent autant ; puis, toutes deux, se jetant dans les bras du comte d’Artois, y demeurèrent pendant quelques secondes fondant en larmes.

Lorsque le nouveau roi sortit de la chambre du mort pour se rendre dans ses appartements, un héraut d’armes fit entendre trois fois ce cri :

— Le roi est mort, messieurs ! Vive le roi ! À partir de ce moment, le roi de France s’appelait Charles X.

Le 23 septembre, nous vîmes passer sous nos fenêtres le cortège du dernier roi que l’on devait conduire à Saint-Denis.

Ce fut à propos de cette mort que Chateaubriand publia