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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

il avait eu une ou deux pièces jouées à des théâtres inférieurs.

Il s’en allait mourant de la poitrine.

Gomme, après le payement de deux termes, nous nous étions aperçus déjà que notre logement était trop cher pour nous :

— Attendez que je sois mort, nous dit-il, cela ne peut tarder bien longtemps ; vous prendrez le mien, qui est de deux cent trente francs, et qui est très-commode.

Effectivement, six semaines après, il mourut avec cette douce tranquillité et cette calme philosophie, que j’ai trouvées chez presque tous les hommes dont la vie avait été entée sur le xviiie siècle.

Ainsi qu’il l’avait dit, son logement étant resté vacant, nous le primes, et nous nous trouvâmes installés selon nos moyens.

Cependant les affaires politiques marchaient leur train ; M. de Villèle, — que mon ami Méry devait rendre célèbre, et qui, de son côté, devait rendre célèbre mon ami Méry, — M. de Villèle partageait l’influence politique avec M. de Chateaubriand, et l’on voyait, depuis deux ans, cette alliance étrange des chiffres avec la poésie. Une pareille alliance, on le comprend bien, ne pouvait durer longtemps, la brouille se mit entre les deux ministres à propos de deux lois.

M. de Chateaubriand croyait affermir la monarchie avec la loi de septennalité.

M. de Villèle croyait enrichir l’État avec la loi sur la conversion des rentes.

La loi sur la conversion des rentes fut repoussée par la chambre des pairs, à la majorité de cent vingt-huit voix contre quatre-vingt-quatorze.

On remarqua que M. de Chateaubriand, qui paraissait contraire à la loi, ne monta point à la tribune pour la défendre.

On assure même qu’il vota contre.

Cette opposition contre le président du conseil fut punie avec la brutale grossièreté particulière aux hommes d’argent.

Le matin de la Pentecôte, au moment où M. de Chateaubriand se rendait au château pour assister à la messe, il reçut