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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le 4 octobre, Iphigénie en Aulide fut représentée.

Le roi et la reine de Westphalie arrivèrent pendant cette représentation.

Le lendemain, ce fut le tour de Phèdre.

Le roi de Bavière et le prince primat étaient arrivés pendant la matinée.

Le 6, la Mort de César fut représentée.

L’auditoire couronné était au grand complet.

Il y avait deux empereurs, trois rois, une reine, vingt princes et six grands-ducs.

Après le spectacle, l’empereur dit à Talma :

— Je vous ai tenu à Erfürt la parole que je vous avais donnée à Paris, Talma : je vous ai fait jouer devant un parterre de rois.

Le 14 octobre, jour anniversaire de la bataillé d’Iéna, Napoléon quitta Erfürt, laissant à Gœthe une croix de la Légion d’honneur.

Quatre ans après, presque jour pour jour, Napoléon entrait en vainqueur dans la capitale de l’empire russe.

Un décret daté du Kremlin, écrit à la lueur mouvante de l’incendie, réglait les intérêts des sociétaires de la rue de Richelieu.

C’était donc désormais une guerre d’extermination entre ces deux hommes qui, à Tilsit, s’étaient rencontrés sur le même radeau ; qui, à Erfürt, s’étaient assis côte à côte ; qui s’étaient appelés, l’un Charlemagne, l’autre Constantin ; qui coupant le monde en deux parts, s’étaient adjugé, l’un l’Orient, l’autre l’Occident, et qui devaient, à cinq ans d’intervalle, s’en aller mourir aussi tristement l’un que l’autre, celui-ci au milieu de la mer Atlantique, celui-là sur les bords de la mer d’Azof.

Les comédiens français apprirent, à Pétersbourg, l’entrée de l’empereur à Moscou.

Ils ne pouvaient rester dans une capitale ennemie ; ils obtinrent congé et partirent pour Stockholm, où, après un voyage de trois semaines, ils arrivèrent en traîneau.

Là, c’était encore un Français qui régnait ou plutôt qui