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— Tant mieux ! je désire savoir ce que j’ai.

Quelques instants après, un nouvel accès de délire le prit.

À la fin de cet accès, et, en revenant à lui :

— Je commence à croire, dit-il, que je suis sérieusement malade. Si je mourais plus vite que je ne le crois, je désire vous donner quelques instructions. Vous auriez soin de les faire exécuter, n’est-ce pas ?

— Oh ! milord, vous pouvez être certain de mon dévouement, répondit le valet de chambre ; mais vous vivrez assez longtemps, je l’espère, pour faire exécuter vous-même vos volontés.

— Non, dit Byron en secouant la tête, non, c’en est fait… Il faut donc que je vous dise tout, Fletcher, et cela, sans perdre un moment.

— Milord, demanda le valet de chambre, irai-je chercher une plume, de l’encre et du papier ?

— Oh ! non, nous perdrions trop de temps, et nous n’en avons pas à perdre. Faites attention.

— J’écoute, milord.

— Votre sort est assuré.

— Ah ! milord, s’écria le pauvre valet de chambre fondant en larmes, je vous supplie de vous occuper de choses plus importantes.

— Oh ! mon enfant, murmura le moribond, ma chère fille, ma pauvre Ada, si j’avais pu la voir ! Vous lui porterez ma bénédiction, Fletcher ; vous la porterez aussi à ma sœur Augusta et à ses enfants… Vous irez également chez lady Byron… Dites-lui… dites-lui tout !… Vous êtes bien dans son esprit…

La voix manqua au malade ; quoiqu’il fît des efforts pour continuer de parler, le valet de chambre ne pouvait plus saisir que des mots entrecoupés, au milieu desquels, avec grand’peine, il saisit ceux-ci :

— Fletcher !… si vous n’exécutez point… les ordres que je vous ai donnés…, je vous tourmenterai… si Dieu me le permet…

— Mais, monseigneur ! s’écria celui-ci au désespoir, je n’ai pas entendu une parole de ce que vous m’avez dit.