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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Voici mon bras ; qu’ils fassent ce qu’ils voudront.

Puis il ajouta :

— Quand je te disais, Fletcher, qu’ils n’entendaient rien à ma maladie.

Byron s’affaiblissait de plus en plus. Le 17, au matin, il fut saigné une fois ; le même jour, dans l’après-dînée, il fut saigné deux fois.

Chacune de ces saignées fut suivie d’un évanouissement.

Ce jour-là, Byron commença de perdre l’espoir.

— Je ne puis pas dormir, dit-il à Fletcher, et vous savez que, depuis une semaine, je n’ai point dormi ; or, il est connu qu’un homme ne peut rester sans dormir qu’un certain temps ; ce temps écoulé, il devient fou, sans qu’on puisse le sauver. Aussi, j’aimerais mieux me brûler dix fois la cervelle que de devenir fou. Je ne crains pas la mort, et je la verrai venir avec plus de calme qu’on ne croit.

Le 18, Byron eut tout à fait la certitude de sa fin prochaine.

— Je crains, dit-il à Fletcher, que Tita et vous ne tombiez malades en me veillant ainsi nuit et jour.

Mais tous deux refusèrent de prendre du repos.

Dès le 16, Fletcher, voyant que la fièvre de son maître amenait le délire, avait eu soin de mettre hors de sa portée son stylet et ses pistolets.

Le 18, il répéta plusieurs fois que les médecins de Missolonghi ne connaissaient rien à sa maladie.

— Mais, alors, observa pour la dixième fois Fletcher, permettez-moi donc d’aller chercher le docteur Thomas à Zante.

— Non, n’y allez pas… Envoyez-y, Fletcher ; mais alors dépêchez-vous.

Fletcher ne perdit pas une seconde, et envoya un messager. Le messager parti, il annonça aux deux médecins qu’il venait d’envoyer chercher le docteur Thomas.

— Vous avez très-bien fait, dirent ceux-ci ; car nous commençons nous-mêmes à être fort inquiets.

Fletcher rentra dans la chambre de son maître.

— Eh bien, demanda celui-ci, avez-vous envoyé ?

— Oui, milord.