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Et il tomba dans une rêverie dont aucune instance ne put le tirer.

Le 15, Fletcher, qui, avec la prescience du dévouement, devinait la position de son maître, fit de nouvelles instances pour qu’on lui permit d’aller chercher le docteur Thomas. Mais les médecins de Missolonghi continuèrent d’affirmer qu’il n’y avait rien à craindre.

Jusque-là, on avait traité le malade avec des purgatifs qui paraissaient d’autant plus violents que Byron, n’ayant rien pris depuis huit jours, qu’une ou deux tasses de bouillon, ne pouvait rien rendre ; les efforts et la fatigue étaient donc extrêmes, et redoublaient la faiblesse qu’entraînait la privation de sommeil.

Le 15, au soir, cependant, les médecins commencèrent à s’inquiéter et parlèrent de saigner le malade ; mais lui s’y opposa vigoureusement, demandant au docteur Millingen s’il regardait cette saignée comme urgente. Le docteur répondit qu’il croyait pouvoir, sans inconvénient, attendre au lendemain. En conséquence, ce ne fut que le 16, au soir, que Byron fut saigné au bras droit.

On lui tira seize onces de sang.

Le sang était très-enflammé.

Le docteur Bruno regarda ce sang, et secoua la tête.

— Je lui avais toujours dit qu’il avait besoin d’être saigné, murmura-t-il ; mais jamais il n’a voulu se laisser faire.

Alors, il s’éleva entre les médecins une grande dispute sur le temps perdu.

Fletcher proposa de nouveau d’envoyer à Zante chercher le docteur Thomas ; mais les médecins lui répondirent :

— C’est inutile ; avant son arrivée, ton maître sera hors de danger ou n’existera plus.

Et cependant le mal continuait d’empirer. Le docteur Bruno fut d’avis de pratiquer une seconde saignée.

Ce fut Fletcher qui annonça à son maître que les deux médecins regardaient cette saignée comme indispensable. Cette fois, lord Byron ne fit aucune difficulté ; il tendit le bras et dit :